Déformation des matériaux

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En mécanique des matériaux, la contrainte est une mesure de l’effet des charges sur un objet ; plus précisément, elle exprime les forces internes que les particules voisines d’un matériau exercent les unes sur les autres. Lorsqu’un objet est soumis à une contrainte, il peut changer de forme, c’est-à-dire se déformer ou se briser, selon l’intensité de la force appliquée et selon le matériau dont il est constitué.

 La plupart des matériaux utilisés sont généralement polycristallins. Ils sont constitués de millions de monocristaux appelés grains. Les grains ont des orientations différentes du réseau atomique et sont séparés des grains voisins par des interfaces appelées Joints de Grains (JdG). Il est bien établi que la déformation irréversible (ou plastique) d’un échantillon provient principalement de la nucléation et de la propagation de plus de centaines de milliards par cm³ de défauts linéaires micrométriques (voire nanométriques) du réseau cristallin régulier appelés dislocations. Les dislocations se déplacent dans le grain et interagissent entre elles ou avec les JdG. Les JdG peuvent agir de plusieurs façons : puits, obstacles, pièges et sources de dislocations.

Aujourd’hui, on sait presque comment une dislocation interagit avec un JdG modèle, mais comprendre la réponse de plusieurs JdG réels (contenus dans un échantillon polycristallin massif réel) après avoir reçu de nombreuses dislocations reste un défi scientifique majeur. Le mystère devient inextricable lorsqu’on considère qu’il y a plus de centaines de milliards de dislocations par cm³ d’échantillon interagissant ensemble et avec des milliards de JdG… Encore plus inextricable si l’on veut prendre en compte l’influence de la distribution des JdG, des autres types d’interfaces, de la forme et de l’orientation des grains et des défauts de l’échantillon massif c’est-à-dire de sa microstructure. En raison de cette complexité inhérente, nous devons relier deux échelles extrêmes : l’échelle de l’échantillon (ou macro-) et l’échelle des dislocations (ou micro-). Il est évident que ces deux mondes interagissent entre eux mais leurs connexions restent extrêmement difficiles à comprendre en raison de la nécessité d’extrapolations.

La réponse d’un grain d’intérêt dans un échantillon polycristallin ne peut être comprise individuellement sans tenir compte de son voisinage. De manière surprenante, la littérature souffre d’un manque sur ce point crucial. Par exemple, on suppose généralement que la sollicitation subie par un grain est la même que celle subie par l’ensemble de l’échantillon, c’est-à-dire que le champ de contrainte à l’intérieur d’un grain (σ) est supposé être le même que le champ de contrainte macroscopique appliqué (Σ) sur l’échantillon pendant l’essai de déformation. Par conséquent, l’influence de la microstructure environnante et de l’anisotropie cristalline est considérée comme négligeable. Malgré d’intenses recherches, cette question reste partiellement inexplorée à ce jour essentiellement en raison de nombreux problèmes technologiques.

Par nature, la résolution de ce mystère nécessite une percée dans les approches existantes. Le rôle de la modélisation micromécanique couplée aux expériences apporte un éclairage important. De tels schémas de calcul nécessitent des équations constitutives qui doivent être « alimentées » avec des critères et des paramètres expérimentaux, capturant les mécanismes opérationnels importants. Cependant, ces expériences précieuses sont encore marginales et souffrent toutes de nombreuses contraintes rendant les interprétations peu fiables.